Invaincus, Invincibles.

Invaincus invincibles

 

 

 

«Kader Hamlaoui» , le chinois, mort du cancer, rapatrié au bled sur la terre des anciens. Ne savait pas sa date de naissance mais  avait toujours plusieurs couches de joggings pour aller tafer. Tous les « Ginis » et les « Grenadines » que j’ai bu en sa compagnie n’auront plus jamais le même goût. Cherchait à retrouver son premier amour, « son » femme comme il disait.

 

Le « Lucien », génie  de la mécanique, capable de monter un moteur GTI sur une bagnole sans permis. Collectionnait les femmes et les bagnoles qui avaient de la gueule. Belliqueux envers les  képis quand il était en colère…un coeur gros comme un camion.

 

 

«L’indien», le créole, insensible au vertige, A disparu après un règlement de compte.

 

 

«Le LULU», SDF à Bellecour, pas Perrache tu déconnes, j’sais me tenir. Passé à la brosse de fer et au savon douche  par les frères Kerner.

 

 

«Ange»,   baraqué comme un démon, insaisissable.

 

 

«Ma Dactylo», SDF barbu et balafré.

 

 

«Tonton», venu d’Afrique.

 

 

«Maurice», ancien sommelier au Georges 5, marié au portugal avec une mannequin, aura foutu   «Larochelle»   en plan sur la Haute Marne pour repartir en R16 chargé comme un âne. Payait l’hôtel et les champagnes avant de disparaitre dans la nuit.

 

 

«Slimane», la montagne, porteur avec 17 coupeurs, monte lui encore sur la hotte et il t’emmènera au bac en ramassant les oublis.

 

 

«Dédé Delatre», ancien légionnaire, surnommé le Cow boy de Vaise. Il avait toujours l’article  du journal plié dans son porte feuille. Il avait fait fuir des cambrioleurs en sortant avec son flingue et ses santiags. Plus fou que les fous qui menaçaient, les fous d’en face en avait peur car il n’avait plus rien à perdre.

 

 

 

«MOMO» le Gaulois, Grande moustache et petit coeur. N’aimait pas la prison.Fuyait son passé comme on fuit les emmerdes après une journée ensoleillée .

 

 

«Bruno», Le Corse. Fan de Dick,  prie Marie même si il y croit pas.

 

 

«Pierrot Bresson», tête de mule, prenait des crises de colère mais se calmait après une trempête dans la gerle et une calotte sur la gueule si necessaire.

 

«Guitare», Gaillard au grand coeur, avait perdu sa femme et sa fille sur un braquage. Fumait la gitane sans filtre, pleurait si il  voyait des enfants et si il avait un peu canoné. Filait du roti à son clébard au nez du Directeur.

 

 

«Isabelle», ISA, petite bonne femme de la rue avec un sourire jusqu’aux oreilles, scalpée et attaquée au dernier refuge.Appréciait la couleur de mon ‘Jean’ et me regardait parce qu’elle me trouvait beau.

 

 

«Gégé», ancien cocaïno, mais toujours souriant et rigolo. Des doigts tellement gonflés par la Coc qu’il avait du mal à envoyer des sms.

 

 

«Franky», le cracheur de feu, plume sur le chapeau et chantait Brassens sous la pluie.

 

 

«Yanouch», le polak venu du froid, carbure à la vodka matin, midi et soir.

 

 

 

«Anna», venue aussi du froid maintenant mariée, future maman.

 

 

 

«Beata», la fusée interstellaire. Invaincue, même les plus drus venus des montagnes de la Creuse n’ont pas résisté à la vitesse et la précision de ramassage de la dame.

 

 

 

«Antoine le gros», 19 ans, avait quitté l’école sans diplômes, voulait rejoindre les vagabonds sur Bonifacio mais avait cramé la moitié de sa paye en alcool et s’était fait tiré le reste à la gare.

 

 

 

«Bruno le Coq», imitait Galabru et Renaud à la perfection, soit disant issu du monde du spectacle. 

 

 

«Marie», 50 ans, décédée du Sida, nous a dit « pas à l’année prochaine les mecs, je serai plus là, mais la bouffe était bonne et l’équipe va me manquer».

 

 

 

«Chaouch», collectionnait les crans d’arrêts.  A donné au père un schlass gros comme un sabre en signe de respect.

 

 

Ils avaient tous un truc un peu spécial qui les rend légendaires. J’aurai appris à décapsuler sans décapsuleur, éclater une bouteille avec une main, les tours de magie avec les cartes, faire des fusées avec des vieux déos,  j’y aurai vu mes premières bagarres, mes premières boites de cigares, mes premiers dollars canadiens, j’ai pu sentir chaque marque de cigarette qu’elle soit polonaise, bulgare, gauloise ou américaine.J’y aurai manger mon premier couscous fait comme au bled, mon premier Makowiec, mon premier gâteau à la banane Serbe.

 

 

Les tartines à la confiture de fraise et le bol de cacao n’auront plus jamais le même goût.

 

J’y aurai vu les plus gros bras, les plus grosses mains, les barbes les plus puantes et les plus immenses, J’y aurai vu les plus sincères, les plus fragiles, les plus menteurs, les plus talentueux…

 

J’y aurai vu aussi bien avant les économistes, la fracture sociale, la solidarité dans l’effort, les tensions ethniques ou religieuses, les liens qui  se ficellent et se déficellent, les histoires d’amour qui donnent vie à des petites familles ou bien des histoires d’amour interdites, ou des amours déchus…. Les pleurs du départ, les embrassades, les gueules de bois et les haleines de chiens.

 

 

Si avec ça je deviens pas le meilleur sommelier du monde, je ferai le tour du monde avec mon couteau sommelier.

 

 

 

 

 

 

David Large