Portraits- 1977 comme Sue Helen…

 

 

Portraits d’un dimanche en beaujolais – Mars 1977 , comme sue helen, 

 

6 h

     Démarre par un bon bol de kaoua avec 2 ou 3 gâteaux , j’charge l’estafette avec les masses et les piquets! Prends les impers si jamais ça pleut.

Lève tes brandillons plus haut si t’es un homme, bon Dieu! Comment tu veux devenir un gonze si tu sais pas frapper les piquets comme y faut?  Tu sais nous on a été élevé à la dure, c’était pas les croissants le matin , jt’eu garantis!

 11h50

 

    Si ça bastonne au troquet, pas la peine de se carapater.

On règle les problèmes à l’ancienne, taquets dans le tarbouif , coups de latte dans les cannes. Mais toujours en 1 contre 1 , comme des hommes, c’est la règle.

Pour finir, si le gonze en face est pas trop con, on se réconcilie toujours  en buvant un canon ou une binouze. Ça c’est la deuxième règle.

 

Zieute près de toi, les habitués, déjà baptisés avec une queue de morue, les piliers,  pitancheurs et pochards. T’en as ils ont l’alcool rigolo, mais d’autres c’est pas des cadeaux, quand ils sont renfrognés vaut mieux les laisser cuver peinard.

Par contre quand le grand Lulu arrive tout berzingue avec l’ R5, je sens qu’il est d’humeur à faire chier. Si jamais ça bouge on sortira du bouic et je lui fouterai un coup de boule dans la boîte à ragout.Hier soir ils ont débranché le pot des mobylettes, jt’eu dis que ça décanillait! ils m’ont réveillé ces cons..  Y paraît qu’ils ont cassé cassé les vitraux du cureton à grand coup de pigot?? t’y a su?

En même temps, ils mettent du blanc à la messe pour pas tâcher la soutane.. il faudrait qu’il vienne boire un coup d’rouge avec nous, il verrait les fidèles plus souvent!

Pis qui sait ce qui se passe après le cercueil! Quand t’as calanché, c’est cuit! Vaut mieux avoir réglé sa conscience avant de partir! tu pars tranquille! Pis c’est pas forcément les plus moches et les plus balafrés les plus méchant, t’as qu’à regarder ici!

Regarde le Guitoune sur son tabouret, je le verrais dans la rue le soir   y’ me foutrait les trouilles! Pourtant il est vrai gentil c’gazier.

J’y dirais au curé que le Seigneur a bin vu qui c’est au fond les gentils! Enfin j’espère parce que si on est jugé sur la présentation.. Putain on est pas clair Camarades!

 

C’est comme la famille au jacky,  ils sont toujours fourrés à l’église, mais lui il suit parce sa bonne femme est de Paris… M’enfin bon… Quand tu sais le lascar que c’était au village!… bref…

D’ailleurs dans le coin on aime pas bien les pantruchards mais y parait qu’ils aiment le beaujolais nouveau, y sont pte’t’ pas si cons.

J’entendais au fond:«Ils ont sorti la Gordini  au Polo, en direction des quais voir les chandelles. Y’avait la vieille marjo, pas bien jojo mais c’est la préférée au polo …y paraît même que les autres l’ont laissé là bas! il a du revenir en car depuis Lyon!  Raaa les cons!! y paraît que la femme à Riton, la Mimi, te lui a mis une chasse quand il s’est pointé! Bougre de con qu’il est , il a suivi les potes mais il est bin trop trouillard pour aller aux chandelles le Riton!  Déjà au bal quand on avait 18 ans, il osait pas approcher les «pépé».

Polo lui, i s’en fout, il a pas de bonne femme et puis il a bien vendu ses pinards. Il fait des sacrés pinards d’ailleurs! On dirait pas! On ira les goûter un de ces jours! il sera trop content de nous sortir ses photos de régiment!»

 

Sur la table du Gilbert, ça jouait à la belote, mais tu connais les vieux.. Ca frouille affreux! Du coup le Gilbert a fait Charlemagne… les autres gueulaient tu penses!

Pis t’sais, quand le Gilbert raconte ses histoires, il charibote! il brode affreux. Mais ça fait marrer.

Y’avait aussi le toinou campé vers l’entrée, il racontait toujours ses histoires de 44. Mais la guerre l’avait laissé un peu digue-digue…. delirium très mince quoi. Il disait qu’il était fils de prince… On a jamais su si c’était vrai. Mais en tous cas  ses poches étaient kaffies de biffetons en liasses.

 

Vers 12h 30 

 

Le patron a mis un coup de cachemire sur le piano,  passer un coup de torchon sur le comptoir si tu préfères.

Du coup j’ y ai dit:

«Allez salut la compagnie,  moi je plie les gaules. Je vais voir si la gamelle est prête, ce soir y parait que y’a un baloche sur Beaujeu… je sais pas encore si je mets le jean à la james dean ou le smoking!   On ira au moins écouter le bastringue avec les pianos à bretelles.

En voiture Simone, c’est moi qui conduis c’est toi qui klaxonnes!»

 

 

 

 

               David Large